vendredi 16 janvier 2015

Interview de Didier Hamey

Nébuleuse - Didier Hamey
Nous sommes très heureux d'initier notre série d'interviews avec Didier Hamey !

Pouvez-­vous nous parler d'un souvenir dont vous pensez qu’il aura beaucoup marqué votre pratique artistique ?

Lorsque j’étais enfant, je collectionnais des boîtes d’allumettes. J’allais tous les weekends me promener dans le port de Dunkerque à la recherche de ces précieuses boîtes d’images qui me faisaient voyager de pays en pays. Mais auparavant je faisais régulièrement un détour par le Musée de la Marine où je me régalais des grandes peintures de bataille navale. Un jour je me suis retrouvé nez à nez avec une toile de Poliakof à côté de mes peintures de scène favorites avec une vieille dame qui ne comprenait pas non plus ce que venait faire cet ovni en ce pays. Quelques années plus tard j’ai compris le fin mot de cette histoire.
J’étais invité dans ma ville natale à exposer dans le cadre d’un festival rock et rencontre plastique. J’exposais aux fenêtres d’une maison squattée pour l’occasion et qui était pour moi d’une grosse charge émotionnelle puisqu’enfant cette maison en brique rouge avec cette enseigne Jokelson signifiait le début de mes quêtes de boîtes d’allumettes à l’entrée du port. Pendant cette exposition j’allais visiter le Musée d’Art Moderne de Dunkerque et c’est là que j’ai eu la réponse à cette énigme de mon premier « choc artistique ».
La création de ce musée est à l’origine l’initiative d’un homme, Gilbert Delaine, ancien soudeur aux Chantiers de France. A sa retraite, après s’être ouvert à l’art après des cours du soir aux Beaux Arts de Dunkerque comme moi, s’est mis en tête d’aller rencontrer des artistes parisiens comme Vasarely, Poliakof et d’autres, et de leur demander une œuvre en leur promettant qu’un jour il ouvrirait un Musée d’Art Contemporain dans sa ville natale. Profitant du 1% artistique reversé par les entreprises, il a pu mener à bien sa folie en essaimant auparavant, lorsqu’il n’avait pas encore de lieu, ses œuvres contemporaines au sein de musées plus traditionnels comme celui de la marine. C’est ainsi que je me suis donc retrouvé devant ce Poliakof qui m’a jeté mon premier trouble, moi qui n’avais jamais rien vu d’autres que des peintures navales et des reproductions dans le « télé 7 jours » pour le jeu 'Cherchez les 7 erreurs' !



Sur le chemin...

Existe-t­-il un lieu particulièrement important pour vous ?
Dunkerque et son carnaval que je ne raterais jamais depuis mon enfance. J’ai besoin de cet énergie positive et de cette folie et cette joie de vivre partagée pendant quelques jours pendant les « trois joyeuses ».

Une maison particulière ?

Nous habitons une bien belle maison dans la Sarthe mais malheureusement pas à échelle humaine. Nous allons nous en séparer pour trouver notre maison. Dans la Drôme ou l’Ardèche, pas encore bien défini.

Quel est le type de paysage qui vous parle le plus ?

La forêt et ses odeurs lorsque je m’y perds.

Quel enfant étiez-­vous ?

Elevé par ma grand-mère, nous passions de longues journées à regarder par la fenêtre les oiseaux du jardin potager à Rosendaël,  à s’ennuyer comme des bienheureux.

L'arbre de Rosendaël - Didier Hamey

Un livre important ?

Lettre à un jeune poète de Rilke

Une musique ?

Plutôt assez éclectique, du rock qui remue les tripes et dernièrement du baroque.

Un animal totem ?

Pas forcément, j’en aime trop, mais si je devais choisir, plutôt un animal de forêt à terrier, lapin ou renard.

Quel genre de plantes ou d'arbre seriez-­vous ?
Fougères.

Pensez­-vous avoir une âme­ sœur ?

Ma compagne graveuse dont le travail m’émeut toujours autant.

Quelle est la saison qui vous inspire le plus ?

L’automne où je deviens sanglier à la recherche des champignons… humpf humpf !

Pain d'épices - Didier Hamey

Pourriez-­vous nous décrire votre rapport à la matière et aux éléments, que ce soient ceux avec lesquels vous travaillez ou plus largement ceux qui vous entourent ?

« Violence cachée de l’extrême douceur » a dit Alain Jouffroy en parlant de mon travail, des mots qui définissent bien mes intentions.
La nature et son florilège de formes magiques et qui ressourcent. Elle me donne envie de créer par son extraordinaire richesse et en même temps un exemple d’harmonie et d’humilité. Je puise mon inspiration dans ses miracles,  ses désirs fantasques et hybrides. J’essaye de la célébrer dans mon travail et du coup chaque fois j’ai le sourire quand je travaille !

A quel moment viennent vos images, les visions qui donneront naissance à vos œuvres, dans quelle sorte d'instant ?

Au moment où je me plante devant ma plaque !

Les inséparables - Didier Hamey
  
Dessinez-­vous et quelle place a le dessin dans votre travail ?

Je ne fais pas de dessins préparatoires et la pointe sèche me permet de dérouler un fil sans filet puisque pas de repentir possible. J’aime cette petite prise de risque et j’aime l’incision même si je dois y graver une douce histoire d’amour.

Décrivez-­nous votre dernière pièce.

Je travaille toujours beaucoup de plaques en même temps je papillonne de l’une à l’autre. Lorsque j’arrive dans une voie sans issue où que je connais trop, je laisse reposer ma plaque pour en prendre une autre. Ainsi lorsque je la retravaille je suis plus frais et c’est une autre histoire qui commence.

Gâl'nesh des mers - Didier Hamey

Pouvez-­vous nous parler de vos prochain projets ?

Je suis en résidence pour une année à Madrid en famille à la Casa de Velasquez à Madrid.
Je travaille sur un projet autour de la représentation de l’homme sauvage au travers des carnavals rupestres du nord de l’Espagne. J’espère pouvoir imprimer d’ici le printemps quelques grandes nouvelles plaques mais je me suis résigné à ne pas aller trop vite !

Existe­-t-­il une question que l’on de vous a jamais posée et à laquelle vous aimeriez répondre ?
Celle là.

Momonjî - Didier Hamey